dimanche 20 novembre 2011

Support aux Indignés : de l'utilité et de l'argent (citation du jour).

« L'utilité principale que nous tirons des choses extérieures, en dehors de l'expérience et de la connaissance que nous en acquérons en les observant et en les transformant, est la conservation du Corps ; c'est pourquoi les choses les plus utiles sont celles qui peuvent alimenter et nourrir celui-ci de telle sorte que soutes ses parties soient capables de remplir correctement leur fonction. [...]


Pour se procurer ces biens, les forces de chacun seraient à peine suffisantes, si les hommes ne s'apportaient une aide réciproque. L'argent est devenu le condensé de tous les biens, et c'est pourquoi d'habitude son image occupe entièrement l'Esprit du vulgaire, puisqu'on n'imagine plus guère aucune espèce de Joie qui ne soit accompagnée de l'idée de l'argent comme cause.


Mais cela n'est un vice que chez ceux qui recherchent l'argent, non par besoin ou nécessité, mais parce qu'ils ont appris les techniques de l'enrichissement et se glorifient de les posséder. Ils nourrissent bien leur Corps selon la coutume, mais avec parcimonie parce qu'ils croient perdre toutes les richesses qu'ils consacrent à la conservation du Corps. Mais ils vivent contents de peu, ceux qui connaissent l'usage vrai de l'argent et gèrent leur richesse en fonction de leur seul besoin. »


Pour bien saisir le propos de Spinoza (Éthique, IV, Chapitres XXVII-XXIX), il faut avoir en tête (!) que l'intelligence est la fonction essentiellement humaine, mais est aussi une fonction biologique.

On ne peut bien développer notre intelligence qu'en alimentant correctement notre corps, selon une alimentation variée. Mais pour nous permettre une alimentation variée, l'aide est nécessaire au niveau de la production. Que serions-nous sans le travail conjoint des producteurs, ou si nous n'avions développé que la production d'un seul aliment?

Afin de régler nos échanges, l'argent s'avère une mesure bien utile. Elle est même devenue la mesure de tous nos biens. C'est pourquoi on en vient à associer l'argent au bien, ou toute joie que peut nous procurer ces biens. On ne désire plus tant de bons aliments, mais de l'argent...

On peut bien sûr se contenter des biens premiers : ceux dont nous avons nécessairement besoin. Ce n'est cependant pas le lot de tous. On voit se répandre dans toutes les sociétés ce vice dont parle Spinoza (XVIIe Siècle) et qui consiste à rechercher la richesse non par nécessité mais pour elle-même (comme élément de Puissance), d'où la grande valeur donnée aux techniques d'enrichissement (exploitation). Nous en sommes désormais venus à élire nos gouvernements selon cette valeur, au grand malheur des exploités.

Reprenons l'analogie de tout temps utile entre l'État et le Corps pour comprendre le drame des sociétés techno-économiques actuelles. Menées par l'intérêt économique, désirant tellement l'argent en lui-même (profit), tous sont convaincus (par une erreur bien grave) que toute richesse dépensée dans la conservation du Corps - la population - est perdue ; ils mettent donc en place des mesures de parcimonie (« austérité »). Mais comment le Corps peut-il se maintenir en santé et assurer le développement de ses capacités si on le sacrifie pour une cause plus noble : l'enrichissement de l'« État »?

Malheureusement pour le Corps, cela se traduit ainsi : il doit cesser de croître (contrôle de population), s'il ne veut pas croître sous-alimenté. Une croissance sous-alimentée se traduit par de nombreux défauts quant à ses capacités, dont la première et plus importante est la conduite de celle-ci par la Raison (devoir civique et moral fondamental). N'est-il pas soumis alors à ses Besoins, enchaîné comme un esclave?

Qu'enrichit l'État recherchant l'argent par fierté? Certes, ce n'est pas son Corps, ne lui « consacrant » que le moins possible? En fait, qu'une partie de celui-ci semble bénéficier de la richesse : sa Tête. Cependant, ce n'est pas toutes les activités de celle-ci qui sont justement alimentées : son Intellect en souffre énormément (toute l'institution de l'éducation, celle de la science et de la recherche, celle des arts, etc.) puisque c'est une autre partie qui bénéficie du fruit de la coopération. Cette partie est celle dominée par ceux « qui recherchent l'argent, non par besoin ou nécessité, mais parce qu'ils ont appris les techniques de l'enrichissement et se glorifient de les posséder ».


Voilà bien le mal de notre temps : le vice économique, la fierté monétaire. Les États servent et alimentent les techniques de l'enrichissement, pour l'enrichissement. Ils créent cette classe d'humains viciés au nom de cet intérêt supérieur.

Mais en réalité, ces États, et leur Corps, s'appauvrissent artificiellement pour maintenir cet intérêt, ce Besoin, artificiel (imaginaire). Je ne dis pas que l'économie ne soit pas utile ou ne soit pas un besoin pour les États ; tout au contraire : l'utilité de l'économie, sa valeur, tient essentiellement dans la compréhension des besoins réels des populations afin d'entreprendre la coopération nécessaire pour alimenter ceux-ci. L'interdépendance n'est pas un mal si elle sert l'émancipation de ce qu'il y a de mieux dans l'humain. Malheureusement, en misant sur une économie fondée sur le profit (vice de l'argent), on se coupe à toute coopération réelle puisqu'elle devient conditionnelle à un profit éventuel (exploitation de marché). C'est ce qui explique à la fois les sommes exorbitantes détournées dans la spéculation des marchés, les sacrifices offerts à une classe de saints (de la Fortune) spécialistes ou parvenus, et ce qui est sacrifié : la vie du corps social. Ce corps social, au finir, ne doit pas seulement vivre (ou survivre), mais vivre bien, d'où l'attente raisonnable et légitime de TOUS, pour TOUS.


Nous sommes loin d'États qui valorisent « l'usage vrai de l'argent et gèrent leur richesse en fonction de leur seul besoin », reconnaissant la nécessité d'un Corps sain, pour un Esprit sain. Du moins, ce n'est pas cette décision que nos « élites » valorisent à nos dépends. Voilà donc pourquoi le Corps doit légitimement crier ses vrais besoins à sa Tête qui lui est sourde, et qui s'enfle sur son pouvoir de créer de la richesse à partir de rien...

Aux prochaines élections, assurez-vous d'élire des représentants qui ne sont pas sourds ; bref, ne votez-pas aveuglément, pour l'« économie » qu'on vous sert depuis tant d'années. Manifestez-vous car sans vous, le vote devient un geste économique : chacun y cherche son profit.

1 commentaire:

  1. Très bon Blog,,, Je suis ravi d’atterrir ce jour sur ce site grâce à Google +. Je t'invite au mien... www.reflecritiques.con

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