vendredi 4 novembre 2011

Essai de méthode spinozienne

« En outre, à partir de ce dernier point, à savoir que l'idée doit être en totale convenance avec son essence formelle, il est clair à nouveau que, pour que notre esprit produise un modèle complet de la Nature, il doit produire toutes ses idées à partir de celle qui présente l'origine et la source de la Nature toute entière, afin que cette idée soit elle-même la source des autres idées. » (Spinoza, Traité de la réforme de l'entendement, § 42.)

Cette idée vraie de la Nature, Anaximandre me semble l'avoir bien saisie. Elle consiste en un processus de détermination partant d'un substrat essentiellement indéterminé, infini et illimité. Ce substrat est donc insaisissable par les sens, mais l'est seulement par l'intellect qui, soit dit en passant, est par essence lui aussi indéterminé, infini et illimité. Il faut seulement éviter de confondre la cause et l'effet en identifiant cette substance à l'intellect, comme une certaine lecture de Platon. Ce serait plutôt le noumène kantien, qui consiste en la réalité « qui est au-delà de l'expérience qui en est faite » (fr.wikipedia.org).

Notre expérience de la Nature est limitée par notre condition d'être naturel, mais elle est aussi la condition de notre connaissance de celle-ci. Au-delà, nous ne pouvons qu'illustrer par la métaphore ou l'analogie. C'est pourquoi l'intellect ou l'âme est au corps ce que l'apeiron est aux éléments : son principe d'indétermination qui l'anime et l'ouvre aux possibles. Nous voyons aussi l'idée du Dao en vertu du Yin et du Yang.

Maintenant, se pose la question de la dissociation : esprit-corps, apeiron-éléments, Dao-Yin*Yang. Cette question est aisément résolue selon l'idée même du processus de détermination. Si les éléments sont une détermination de l'apeiron, comme les forces Yin et Yang une détermination du Dao, alors notre corps est une détermination de notre esprit. Toute détermination est en elle-même une réduction de l'être à des attributs saisissables. Les deux sont fondamentalement unis quoique le premier terme dépasse le second. En d'autres mots, l'unité de la totalité dépasse l'expression de ses attributs ; l'idée de la Nature est puissance (potentiel) alors que la nature saisie est acte.

Toute puissance ou potentiel est indéterminé et se détermine dans l'acte, comme notre identité face l'être que nous sommes présentement. D'ailleurs, la vie en elle-même est le non-vivant en acte (de vie) : le non-vivant est le potentiel infini et indéterminé du vivant qui vit par lui et à travers lui. Elle se définit même en opposition à lui (ou le définit en opposition à elle). C'est qu'elle a une saisie intuitive d'elle-même, de sa valeur, de son existence.

En conclusion, à n'observer que la Nature formelle (en acte), on ne peut saisir l'origine et la source de la Nature toute entière. Ce qu'il faut observer, c'est l'idée de la Nature toute entière représentée dans son origine et sa source. De cette idée vraie, il faut déduire les autres idées afin de saisir l'essence des êtres, donc de faire la science. Si mon idée est vraie (celle que j'emprunte d'Anaximandre), c'est une évidence à mon esprit.

Un doute s'élève dans mon esprit à l'écoute d'un axiome mécaniste : « rien ne se perd, rien ne se crée ; tout se transforme ». Comment concilier la génération par dissociation avec la transformation substantielle?

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