lundi 12 décembre 2011

Méditations.


NOTE : voici le premier jet d'un essai sur la question du corps que je projette éventuellement de publier dans la revue Philosopher. Ce serait ma première publication et je suis conscience de la ré-écriture nécessaire à l'élaboration d'un texte clair et lisible. Je demande votre aide pour cerner les obscurités, incohérences et impertinences de ma pensée pour l'améliorer. Tout commentaire, suggestion et critique est la bienvenue! Merci d'avance!

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Je ne sais plus trop depuis quand la philosophie occidentale s'est dissociée du corps. Ce qui est certain, c'est que c'est le fruit d'une intellectualisation de notre pratique et de notre vie qui semble venir d’une déformation professionnelle liée à l’enseignement. Au-delà de cette erreur, nous retrouvons chez nos plus grands sages un souci aigu de la relation entre le corps et l'esprit qui n'aboutit pas à une intellectualisation du corps, mais à une diététique personnelle bien concrète.

Cela fait déjà quatre ans que je travaille sur ma posture et ma structure physique dans une pratique philosophique concrète qu’on peut justement nommer diététique : le Taiji. Cette pratique est indissociable d'un travail sur l'esprit puisqu'il ne se réalise qu'à travers une perspective méditative. Il en suit que tout ce travail se fait à travers la conscience de soi, ce qui est éminemment phénoménologique. Devais-je me surprendre de retrouver chez Emmanuel Kant une réponse au dualisme des substances (pensée-étendue) qui rejoigne les constatations issues de mes contemplations et de mon travail sur mon corps et mon esprit? Je tâcherai de recentrer la philosophie sur sa pratique concrète dans notre vie personnelle, comme une diététique, c’est-à-dire une réappropriation du corps par l’esprit.

Je me dois pour commencer de citer le Manuscrit sur la diététique d’Emmanuel Kant : « On voit aisément que la diététique est une philosophie […] pratique […], la seule qui permette à chacun d’être son propre médecin - et chacun doit l’être, parce que si vous ne l’êtes pas, personne d’autre ne pourra l’être pour vous. » (Kant, Écrits sur le corps et l’esprit, tr. Chamayou. GF Flammarion, p. 165-166.) Je vous y renvoie pour approfondir le sens et l'importance qu'il donne à cette « médecine négative » qu'il associe à la philosophie stoïcienne. La diététique particulière dont j'entreprends le court essai ne se basera pas comme un commentaire de philosophies anciennes, auquel cas nous demeurerions dans l'intellectualisation, et donc la fuite, de la pratique réelle qui nous concerne en tant que philosophes. Je tiens ici à parler de méditation, suivant les conseils de Descartes :

« Mais j'avoue qu'il est besoin d'un long exercice, et d'une méditation souvent réitérée, pour s'accoutumer à regarder de ce biais toutes les choses; et je crois que c'est principalement en ceci que consistât le secret de ces philosophes qui ont pu autrefois se soustraire de l'empire de la fortune, et, malgré les douleurs et la pauvreté, disputer de la félicité avec leurs dieux. Car, s'occupant sans cesse à considérer les bornes qui leur étaient prescrites par la nature, ils se persuadaient si parfaitement que rien n'était en leur pouvoir que leurs pensées, que cela seul était suffisant pour les empêcher d'avoir aucune affection pour d'autres choses; et ils disposaient d'elles si absolument qu'ils avaient en cela quelque raison de s'estimer plus riches et plus puissants et plus libres et plus heureux qu'aucun des autres hommes, qui, n'ayant point cette philosophie, tant favorisés de la nature et de la fortune qu'ils puissent être, ne disposent jamais ainsi de tout ce qu'ils veulent. » (Discours de la méthode, III, GF Flammarion, 2000, p. 59).

Lorsque nous méditons, nous saisissons le corps comme une réalité plutôt extérieure, tandis que la pensée apparaît comme une réalité et une vie intérieure. Cette saisie semble rejoindre Kant lorsqu’il affirme : « Je suis, en tant que pensant, un objet du sens interne et m’appelle âme. Ce qui est un objet des sens externes s’appelle corps. » (Kant, CRP, III, 263, Éditions Gallimard, p. 353.) Je ne commenterai pas la conception kantienne de cette dualité phénoménologique, me servant plutôt de l’occasion pour communiquer mon expérience personnelle de la méditation.

Il est peut-être naturel que l’intellectuel en nous s’identifie justement à la pensée, à l’âme, au « je », réduisant ainsi l’importance du corps sur sa réalité pleine et entière. Cependant, à pousser la méditation, un certain nettoyage vient « purifier » nos représentations intellectuelles sur le rapport entre le corps, l’âme et l’esprit qui définissent certaines identités rarement questionnées.

La première illusion qui se voit nettoyée est justement cette identité que nous plaçons dans cette vie intérieure qu’est la pensée. Nous laissons tellement notre intellect mener et gérer notre vie qu’on vient tout naturellement à s’identifier à lui et tout notre ego s’érige sur sa volonté à dominer la réalité. Comment ne pas être l’esclave d’un tel maître? Cependant, les pensées passent et tiennent bien plus du vent que de l’eau ou du feu. C’est pourquoi avoir un esprit méditatif n’est pas une perte dans les pensées ; c’est plutôt une perte de la pensée : elle se calme et se tait dès lors que nous l’ignorons pour un temps. À ce moment, notre esprit peut réellement se reposer et contempler la réalité qu’elle masquait.

Ce qui émerge à un esprit méditatif est le fait corporel, ce que nous disions être la réalité extérieure, c’est pourquoi il serait juste de dire que le corps est plus fondamental que la pensée. Nos sens nous renvoient des perceptions diverses déconcentrantes, accrochant notre attention comme nos pensées cherchent constamment à le faire comme un enfant roi mal sevré. Mais le fait qu’elles soient extérieures coupe toute possibilité d’identification autre que celle aux sens mêmes. Toutefois, à persister la méditation, un ensemble de réalités fondamentales surgissent.

Il y a premièrement la douleur et le malaise. Ce ne sont pas des réalités proprement extérieures. Elles viennent d’un sens interne qui n’est toutefois pas celui de la pensée. En fait, la douleur nettoie efficacement toute pensée. Pourtant, qu’est la douleur découverte par la pratique de la méditation? De mon expérience, la première douleur fondamentale est liée à la structure de notre corps, donc notre posture. Je tiens pour opinion que c’est une découverte fondamentale sur la nature de notre être concret. C’est à juste titre qu’on ressent alors notre corps comme une prison, une masse lourde et malaisée ; un vrai fardeau. Pourquoi?

Nous nous décourageons souvent à cette étape de la méditation, puisque nous n’avons que la douleur à nous approprier et identifier. Cependant, c’est à ce moment qu’un vrai travail sur notre être commence : une réappropriation du corps par l’esprit (et non la pensée). Lorsque nous étudions, à sueur de courage, la douleur qui nous submerge lors de méditations prolongées, une réalité encore plus fondamentale surgit et celle-ci devient notre guide pour la vie : la respiration.

Cela peut sembler banal puisque la respiration s’impose comme une évidence de notre expérience consciente au point de la perdre totalement de vue. Pourtant, la respiration est le moteur de notre existence. L’ensemble de nos réalités et identités s’édifient autour et par elle. Si le corps nous apparaît un fardeau, c’est pour la respiration que nous sommes. La posture et la structure de notre corps emprisonne et empêche notre respiration de s’étendre. À suivre, ralentir et étendre notre souffle, nous redressons petit à petit l’édifice. C’est souffrant, et long, mais c’est le meilleur et le seul moyen de prendre réellement possession de notre corps et de le « transcender ». Je dois me taire car j’arrive à l’horizon de mon expérience.

Il fait noter que plus la respiration s’étend, plus l’esprit se libère et se clarifie : la conscience et l’attention ne se laissent plus dominer par les pensées vagabondes. Celles-ci même peuvent alors recevoir l’ordre et l’attention nécessaire pour communiquer et approfondir clairement le monde de l’entendement.

Une constante demeure à travers l’ensemble de ce processus : la conscience. À travers ces voyages méditatifs, la conscience se purifie de plus en plus des couches qui viennent s’y déposer inconsciemment. C’est à juste titre qu’on apprend ainsi à se connaître tel que nous sommes et non tel que nous voulons être. J’ai comme philosophie que notre volonté ou notre intention ne peut réellement s’exprimer que libérée des illusions et prétentions sur nous-mêmes. Mais je découvre qu’elle doit se libérer aussi du corps et ceci ne peut se faire par une abstraction de celui-ci, qui serait contraire à toute lucidité et sagesse. Non, la seule libération possible passe par un travail de la conscience à travers le corps, lui enlevant toute lourdeur et tension ; par un travail du corps par la respiration. La respiration, le souffle, est l’esprit incarné, et je dis cela sans aucune auréole religieuse. C’est une vérité toute banale qui n’a aucun besoin de recevoir une réalité intelligible. Il faut simplement le vivre. C’est à juste titre que la pensée peut devenir le tombeau de la vie…

Cette humble communication n’avait peut-être d’autre but que de nous remettre en contact avec l’évidence de la pratique philosophique qui ne peut se penser et se vivre sans passer à travers le corps. C'est d'ailleurs avec un sourire que j'accueillis ces paroles de Nietzsche : « Cela décide du sort des peuples et de l’humanité si l’on commence la culture à l’endroit juste, — non pas sur « l’âme » (comme ce fut la superstition funeste des prêtres et des demi-prêtres) mais sur le corps, les attitudes, le régime physique, la physiologie : le reste s’ensuit... » (Le Crépuscule des Idoles, « Flâneries inactuelles », par. 47). Je ne cherche pas à en faire un projet culturel ou humaniste ; ce doit avant tout être un projet personnel comme le sera toujours à juste titre l’amour de la sagesse.

dimanche 20 novembre 2011

Support aux Indignés : de l'utilité et de l'argent (citation du jour).

« L'utilité principale que nous tirons des choses extérieures, en dehors de l'expérience et de la connaissance que nous en acquérons en les observant et en les transformant, est la conservation du Corps ; c'est pourquoi les choses les plus utiles sont celles qui peuvent alimenter et nourrir celui-ci de telle sorte que soutes ses parties soient capables de remplir correctement leur fonction. [...]


Pour se procurer ces biens, les forces de chacun seraient à peine suffisantes, si les hommes ne s'apportaient une aide réciproque. L'argent est devenu le condensé de tous les biens, et c'est pourquoi d'habitude son image occupe entièrement l'Esprit du vulgaire, puisqu'on n'imagine plus guère aucune espèce de Joie qui ne soit accompagnée de l'idée de l'argent comme cause.


Mais cela n'est un vice que chez ceux qui recherchent l'argent, non par besoin ou nécessité, mais parce qu'ils ont appris les techniques de l'enrichissement et se glorifient de les posséder. Ils nourrissent bien leur Corps selon la coutume, mais avec parcimonie parce qu'ils croient perdre toutes les richesses qu'ils consacrent à la conservation du Corps. Mais ils vivent contents de peu, ceux qui connaissent l'usage vrai de l'argent et gèrent leur richesse en fonction de leur seul besoin. »


Pour bien saisir le propos de Spinoza (Éthique, IV, Chapitres XXVII-XXIX), il faut avoir en tête (!) que l'intelligence est la fonction essentiellement humaine, mais est aussi une fonction biologique.

On ne peut bien développer notre intelligence qu'en alimentant correctement notre corps, selon une alimentation variée. Mais pour nous permettre une alimentation variée, l'aide est nécessaire au niveau de la production. Que serions-nous sans le travail conjoint des producteurs, ou si nous n'avions développé que la production d'un seul aliment?

Afin de régler nos échanges, l'argent s'avère une mesure bien utile. Elle est même devenue la mesure de tous nos biens. C'est pourquoi on en vient à associer l'argent au bien, ou toute joie que peut nous procurer ces biens. On ne désire plus tant de bons aliments, mais de l'argent...

On peut bien sûr se contenter des biens premiers : ceux dont nous avons nécessairement besoin. Ce n'est cependant pas le lot de tous. On voit se répandre dans toutes les sociétés ce vice dont parle Spinoza (XVIIe Siècle) et qui consiste à rechercher la richesse non par nécessité mais pour elle-même (comme élément de Puissance), d'où la grande valeur donnée aux techniques d'enrichissement (exploitation). Nous en sommes désormais venus à élire nos gouvernements selon cette valeur, au grand malheur des exploités.

Reprenons l'analogie de tout temps utile entre l'État et le Corps pour comprendre le drame des sociétés techno-économiques actuelles. Menées par l'intérêt économique, désirant tellement l'argent en lui-même (profit), tous sont convaincus (par une erreur bien grave) que toute richesse dépensée dans la conservation du Corps - la population - est perdue ; ils mettent donc en place des mesures de parcimonie (« austérité »). Mais comment le Corps peut-il se maintenir en santé et assurer le développement de ses capacités si on le sacrifie pour une cause plus noble : l'enrichissement de l'« État »?

Malheureusement pour le Corps, cela se traduit ainsi : il doit cesser de croître (contrôle de population), s'il ne veut pas croître sous-alimenté. Une croissance sous-alimentée se traduit par de nombreux défauts quant à ses capacités, dont la première et plus importante est la conduite de celle-ci par la Raison (devoir civique et moral fondamental). N'est-il pas soumis alors à ses Besoins, enchaîné comme un esclave?

Qu'enrichit l'État recherchant l'argent par fierté? Certes, ce n'est pas son Corps, ne lui « consacrant » que le moins possible? En fait, qu'une partie de celui-ci semble bénéficier de la richesse : sa Tête. Cependant, ce n'est pas toutes les activités de celle-ci qui sont justement alimentées : son Intellect en souffre énormément (toute l'institution de l'éducation, celle de la science et de la recherche, celle des arts, etc.) puisque c'est une autre partie qui bénéficie du fruit de la coopération. Cette partie est celle dominée par ceux « qui recherchent l'argent, non par besoin ou nécessité, mais parce qu'ils ont appris les techniques de l'enrichissement et se glorifient de les posséder ».


Voilà bien le mal de notre temps : le vice économique, la fierté monétaire. Les États servent et alimentent les techniques de l'enrichissement, pour l'enrichissement. Ils créent cette classe d'humains viciés au nom de cet intérêt supérieur.

Mais en réalité, ces États, et leur Corps, s'appauvrissent artificiellement pour maintenir cet intérêt, ce Besoin, artificiel (imaginaire). Je ne dis pas que l'économie ne soit pas utile ou ne soit pas un besoin pour les États ; tout au contraire : l'utilité de l'économie, sa valeur, tient essentiellement dans la compréhension des besoins réels des populations afin d'entreprendre la coopération nécessaire pour alimenter ceux-ci. L'interdépendance n'est pas un mal si elle sert l'émancipation de ce qu'il y a de mieux dans l'humain. Malheureusement, en misant sur une économie fondée sur le profit (vice de l'argent), on se coupe à toute coopération réelle puisqu'elle devient conditionnelle à un profit éventuel (exploitation de marché). C'est ce qui explique à la fois les sommes exorbitantes détournées dans la spéculation des marchés, les sacrifices offerts à une classe de saints (de la Fortune) spécialistes ou parvenus, et ce qui est sacrifié : la vie du corps social. Ce corps social, au finir, ne doit pas seulement vivre (ou survivre), mais vivre bien, d'où l'attente raisonnable et légitime de TOUS, pour TOUS.


Nous sommes loin d'États qui valorisent « l'usage vrai de l'argent et gèrent leur richesse en fonction de leur seul besoin », reconnaissant la nécessité d'un Corps sain, pour un Esprit sain. Du moins, ce n'est pas cette décision que nos « élites » valorisent à nos dépends. Voilà donc pourquoi le Corps doit légitimement crier ses vrais besoins à sa Tête qui lui est sourde, et qui s'enfle sur son pouvoir de créer de la richesse à partir de rien...

Aux prochaines élections, assurez-vous d'élire des représentants qui ne sont pas sourds ; bref, ne votez-pas aveuglément, pour l'« économie » qu'on vous sert depuis tant d'années. Manifestez-vous car sans vous, le vote devient un geste économique : chacun y cherche son profit.

mercredi 16 novembre 2011

Peut-on se passer de religion?

La religion est une institution (politique) d'éducation morale.

Cette définition nous permet de mieux saisir les enjeux qui la concerne. Affirmer qu'on puisse se passer de religion, c'est en quelque sorte affirmer qu'on puisse se passer d'éducation morale. Cette thèse suit deux principes. Premièrement, que l'éducation morale puisse être dirrigée par une autorité morale, ce qui implique la reconnaissance d'une telle autorité. Deuxièmement, que la moralité suit un certain idéal.

Toute religion est dépositaire d'un idéal moral qu'elle pose en absolu dans une relation avec le divin (l'idée de cet idéal). En tant qu'institution, elle se donne un rôle éminemment pédagogique, ce qui suit une vision hégémonique (répendre le bien). Mais l'éducation suit l'humain toute sa vie, dans toutes ses facettes. Elle oriente donc la saisie de l'expérience en vertu de l'idéal qu'elle véhicule. C'est pourquoi elle tend à l'intégrisme : elle veut maintenir l'intégrité morale du tout (social) et de ses parties (individus). Cependant, le but de l'éducation étant de transmettre une réalité conçue comme fondamentale à l'humain, l'éducation morale réussit lorsque l'individu porte en lui la moralité. Ainsi, l'éducation religieuse réussit lorsque les individus portent en eux une moralité, justifiée dans une foi dans l'idée de l'idéal, le divin. Le croyant est celui qui a foi dans l'idéal, puisque celui-ci n'est pas ; il doit être. Le moral s'impose donc au réel.

L'institution religieuse cherche donc à subsumer le réel au moral (divin). Le réel sera donc interprété en fonction non pas de lui-même, mais en fonction des vérités morales, les seules qui importent. [Nous voyons ce même système dans les écoles philosophiques dogmatiques : voir le stoïcisme et l'épicurisme.] Le Credo est la conception du monde découlant de la vérité morale révélée. Le Credo sert à confirmer la vérité révélée, rassurant les individus dans leur foi morale. Malheureusement, elle finit par dire que la réalité est telle qu'elle doit être car soumise à la volonté du dieu. C'est bien triste car, même s'il est vrai que la moralité et que l'idéal aient plus de valeur que l'être seul, cet être conserve cependant sa propre valeur qu'il faut savoir reconnaître en soi et non en un autre (autorité intellectuelle et morale). Ainsi, l'éducation morale est indissociable d'une lucidité, qui est la vertu intellectuelle du jugement. La moralité doit s'imposer dans notre volonté (coeur) plus que dans notre intelligence. Celle-ci doit faire face à une réalité (la nature) qui impose sa forme, à notre peur et désespoir. En cherchant à rassurer, le dogme nous réduit à des « animaux » (volonté = coeur = désir = animal - cf. Aristote).

Peut-on donc se passer de religion? La religion élève pourtant l'enfant à l'adulte. Elle échoue seulement dans son obstination à imposer l'intégrité de la nature à la morale. Elle ne doit pas chercher réponse à tout mais laisser place et cultiver les questions qu'elle soulève : ces questions sont ce qui font passer l'humain de l'enfance à l'adulte ouvert et lucide. Sa finalité est donc la vie philosophique.

Se passer de religion sera cependant le but des sophistes : que l'humain soit la mesure de toutes choses. L'important étant le politique, le moral s'y soumet. Il n'y a pas de morale absolue, seulement convenue et voulue. Pour le sophiste, toute moralité, toute valeur, doit laisser place à la discussion. La morale n'est humaine que lorsqu'elle est discutée et convenue par des humains, non quand elle se révèle (quand elle révèle un idéal) comme elle s'impose à l'enfant. Misant sur l'autonomie humaine, le sophiste veut l'humain seul maître de ses valeurs.

La philosophie seule permet de rejoindre la sophistique et la religion : la réflexion permet de dépasser la convention en reconnaissant la valeur réelle et véritable d'un idéal moral absolu et nécessaire, laissant l'adulte libre et autonome (responsable) de sa moralité, sans excuse politique.

Peut-on se passer de piété?

Je soulève cette question aux détracteurs de la religion. La piété est la réelle valeur cultivée par l'éducation religieuse. Elle consiste dans la foi en un idéal moral supérieur et absolu, donc universel. C'est bien une de ces vertus qui enveloppe toutes les autres car le respect de l'idéal est nécessaire pour toute intégrité morale. Il n'y aurait donc aucune vie morale sans piété. Autant l'idéal impose son autorité sur notre moralité, autant la loi, voix de la justice, impose son autorité légitime au citoyen vertueux. Veut-on se passer de citoyens respectueux des autorités légitimes?

Les sophistes supportent mal toute autorité non humaine : elle doit être à notre hauteur pour la mener là où nous la voulons, qu'elle serve la voix de l'humain et non celle de la justice. L'autorité, selon les sophistes, est bien arbitraire. Notre démocratie libérale relativiste est un projet sophistique voyant le jeu des intérêts prédominer le souci de moralité dans toutes les sphères d'action. Ne voyons-nous pas comme un bien moderne la moralité retranchée dans la sphère privée, lieu sans valeur sociale, sans discussion publique?

Voulons-nous d'un monde, d'une politique arbitraire imposant la convention comme principe de légitimité? Nous voilà face au danger fondamental de toute société, qu'elle soit démocratique ou non. Telle est la force du politique qui s'impose sur la morale, et sur la religion. Notre société cultive les sophistes, mais combien de religieux sont des sophistes? N'oublions jamais que la religion demeure une institution politique. Sans philosophie, nous demeurerons dans ces conflits d'intérêts. Voilà notre barbarie bien contemporaine!

Éternel retour du même... encore l'Apeiron.

Je suis mauvais pour donner des titres. Je suis mauvais pour exprimer clairement une idée. J'en appelle donc au maître et cite sa pensée qui engendra la mienne voilà quelque temps déjà.

Voici Nietzsche, parlant d'Anaximandre dans La naissance de la philosophie à l'âge tragique des grecs (selon l'édition) :

« Jamais un être qui possède des qualités définies ne saurait être l'origine et le principe des choses. »
« L'être vrai, conclut Anaximandre, ne peut posséder de qualités définies, sans quoi il serait né et devrait périr comme toutes les autres choses. Pour que le devenir ne s'arrête jamais, il faut que l'être originel soit indéfini. [...] C'est pourquoi son nom est l'Indéfini (Apeiron). »
« Sans doute ce sein maternel de toute chose ne peut être désigné par l'homme que de façon négative ; c'est l'être auquel on ne peut donner aucun prédicat tiré du monde du devenir. »
« Le devenir éternel ne peut avoir son origine que dans l'être éternel. »

J'espère que ces mots éclairent l'idée-titre de mon blogue et compensent mon défaut de luminosité naturelle. Mais voilà, la suite et finale de sa lecture d'Anaximandre ouvre la pensée et la réflexion vers l'étendue offerte à l'entendement, et la limite de toute entreprise savante...

« Anaximandre en est resté là, c'est-à-dire qu'il est resté dans les ténèbres profondes qui couvraient comme des fantômes gigantesques la cime d'une contemplation de l'univers. Plus on a voulu serrer de près ce problème, en se demandant comment le défini a jamais pu sortir de l'Infini, le temporel de l'éternel, plus la nuit est devenue dense. »

Les ténèbres profondes, fantômes gigantesques, couvrant le sommet de la contemplation de l'univers... Contemplation de l'univers limitée par notre vision... On pressent la cime nécessaire mais ne pouvons la saisir. Les ténèbres profondes nous renvoient au-delà de nos sens.

Ténèbres profondes, fantômes gigantesques... Sommes-nous dans la caverne? Il n'y a aucune lumière, aucune possibilité de vision. La caverne débouche sur une autre caverne... Avons-nous pris le mauvais passage, celui qui s'enfonce dans l'obscurité, dans l'abîme de la matière?

Ténèbres profondes, fantômes gigantesques : l'être apparent, constamment en devenir... Telle semble être la réalité de cette vision.

Cime ou abîme? N'est-ce qu'une question de perspective?

Que dirait Zarathoustra? N'eut-il pas la Vision, celle du poids le plus lourd? Pour l'homme supérieur, la Vision est possibilité de rédemption : elle rend possible le Surhomme.

Zarathoustra suit les pas d'Anaximandre, parcourt le chemin qui mène nulle part. « Nulle Part », n'est-ce pas l'ultime constatation de l'entendement qui contemple la Nature? « Nulle Part », n'est-ce pas la Réalité Ténébreuse qui lui apparaît dans toute sa Lumière? « Nulle Part », la seule Vérité Nécessaire.

Spinoza aurait donc suivi le même chemin, et vu la lumière là où les esprits supérieurs y voyaient des ténèbres. Nu fut-il pas (in)justement poursuivi, pourchassé, persécuté, pour avoir ainsi osé défier la caverne, y renversant l'ordre convenu? Spinoza, le sage clamant l'ultime et absolue « Nulle Part » : l'Unité.

Ne faisons-nous que l'éloge de la Nuit? Serrant dans nos bras « la Nuit la plus Dense » comme Zarathoustra serre dans ses bras « le Poids le plus Lourd », « l'Éternel Retour », pour le mordre à pleines dents, arrachant ainsi la tête du serpent, se libérant du fardeau, nous plongeons dans la Nuit la plus Dense pour y exercer notre conscience, pour en ressortir... l'esprit reposé et le regard perçant.

Prenons-donc cette leçon d'éthique : vivons sans peur, ni espoir, en toute lucidité. C'est la seule voie possible de Bonheur (béatitude, félicité).

Ô toi qui ose toucher au mystère, tu seras sacrifié pour ta lucidité. Tu porteras le fardeau de la Philosophie... le poids le plus lourd et le plus léger.

... « et, si quelqu'un essayait de les délier et de les conduire en haut, et qu'ils pussent le tenir en leurs mains et le tuer, ne le tueraient-ils pas ? - Ils le tueraient certainement. »
Platon, La République, VII, 517a (trad. Chambry)
Amen, mon cher Glaucon.

jeudi 10 novembre 2011

Crise de l'endettement.

Un autre essai d'analyse d'un problème économique plus global : la crise de l'endettement. J'essaie de discuter des arguments qui s'objectent à la pensée d'une économie qui sort de ce cercle vicieux économique.


Définition :
L'endettement est la « création » présente de richesse aux dépends d'une économie future.

Critique :
L'explosion de l'endettement induit une idée fausse de la croissance économique puisqu'il n'y a pas réelle croissance dans le temps : il n'y a aucune croissance de richesse réelle mais plutôt une croissance de richesse fictive, spéculative (possible). Ce n'est pas une solution puisqu'elle n'est que le report du problème vers le futur.

Est-ce le constat de notre incapacité à créer un ordre socio-économique adéquat et juste?

DISCUSSION

Première objection :
L'« absence de solution ». Il n'y aurait aucun autre moyen encore trouvé de maintenir notre manière actuelle de vivre. C'est donc un mal temporaire.

Réponse :
L'argument n'est que l'affirmation d'un défaut de compréhension, d'imagination et de volonté. De fait, un défaut de compréhension implique un défaut de connaissance des causes du problème, et sans cette connaissance, l'action, manifestant une volonté de changer la situation, n'a pas de fondement concret. Nous repoussons donc la prise de solution en reportant le problème.
La réalité, c'est que la situation ne change pas, nous demeurons dans un statut-quo. Le « système » économique en place poursuit sa recherche de cohérence, même si cette cohérence se fonde sur une injustice fondamentale. On devrait parler de « rationalisation » d'une manière psychologique.

Deuxième objection :
L'« impossibilité d'une solution ».

Réponse :
L'argument n'est que l'affirmation d'un défaut de compréhension, d'imagination et de volonté. L'absence de compréhension devient paresse intellectuelle : son fondement est un sophisme de réduction naturaliste. On finit par affirmer que la situation est ce qu'elle doit être, est nécessaire. Le problème n'est plus seulement considéré comme temporaire, mais nécessaire. Elle devient un paradigme économique et politique.

Troisième objection :
Le fardeau économique incombe à l'intérêt privé selon un « choix de valeur » ; le sacrifice témoigne de l'affirmation de la valeur. L'endettement offre la liberté à l'individu d'exprimer économiquement ses valeurs. C'est donc une mesure légitime.

Réponse :
L'endettement est une bonification présente pour un sacrifice futur. Le besoin étant senti comme un mal, on cherche à éviter ce mal au temps présent (chez ceux qui sont en situation difficile, par exemple les étudiants non encore professionnellement autonomes). Pour les étudiants, ils devront sacrifier leur autonomie future par l'endettement, aux premiers temps de leur autonomie économique professionnelle. de manière générale, l'endetté se place en situation de besoin anticipé. Leur qualité de vie dépend alors de l'endettement. L'émancipation de cette condition dépendante nécessite un certain seuil économique qui est espéré. Cependant, le futur échappe à notre prévoyance ; nous sommes laissés à une situation présente constante soumise à la fortune (littéralement), d'où la limite à la spéculation sur notre fortune future. Ceci montre l'insuffisance de l'endettement comme solution rationnelle à des problèmes fondamentaux.

Cependant, c'est de manière bien raisonnable que nous entreprenons de nous endetter, selon l'objection en question. L'endettement raisonnable vise la réalisation de nos valeurs essentielles, dignes du sacrifice futur : une qualité de vie raisonnable.

Malheureusement, l'endettement associe la qualité de vie raisonnable à une qualité de vie excessive puisque ce sera l'excès qui remboursera la dette. Autrement, ce sera un manque à cette qualité de vie raisonnable ; elle devient donc déraisonnable. Nous envisageons alors l'« excès raisonnable », ce qui est contradictoire, l'excès étant déraisonnable. C'est donc un piège moral. Cependant, on y survit par nécessité.

L'« excès raisonnable » nous semble un bien économique, forçant l'intérêt de l'endetté vers la performance économique. Cette performance est habituellement calculée en terme de salaire. Or, ce qui est sacrifié doit être une partie du salaire, celle excédant le minimum requis pour maintenir la « qualité de vie raisonnable ». Nommons cet excès le profit, celle associée à une « qualité de vie excessive ». On parle donc de « plans d'austérité » dans l'optique du sacrifice (idéalement, seulement des excès). Pourtant, ce sacrifice doit être équitable, donc ne pas faire descendre la qualité de vie sous le seul du juste milieu (entre le manque et l'excès). Que sacrifions-nous lorsque nous n'avons pas d'excès?

Ceux qui disposent de cet excès pourront rembourser plus rapidement leurs dettes. Se pose alors la question de l'après-dette. À ce moment, la réalité de l'excès se fait sentir. Cet excès, la société doit le taxer afin de l'investir dans une structure qui assure l'indépendance de la qualité de vie raisonnable à l'endettement. C'est ainsi qu'on peut se sortir socialement de la spirale de l'endettement.

Cependant, des intérêts privés profitent de cet endettement. Prenons à témoin la société de consommation. Disons, de manière plutôt générale, que l'emprunteur se place en situation de dépendance face à l'emprunteur (quoique ce dernier dépend du remboursement). C'est une situation de minorité qui est avantageuse pour les intérêts privés qui profitent de cette situation (les banques). Les intérêts privés finissent par contrer l'émergence de l'autonomie (économique, mais c'est le cas de toute autonomie : voir Kant, Qu'est-ce que les Lumières?) au nom de leur autonomie. C'est un faux libéralisme que ce néolibéralisme.

Conclusion :
Somme toute, le problème se trouve donc dans la dépendance des intérêts à l'excès. Si le manque est clairement perçu comme un mal, l'excès est vu comme un bien. C'est une erreur. L'excès est un bien qui profite d'un mal. Le bien réel se trouve dans le juste milieu de l'intérêt. L'excès doit être réinvesti socialement pour augmenter la qualité de vie générale, créer les conditions d'émancipation des individus formant la société.

La crise de l'endettement vient de la valorisation de l'endettement comme solution présente à un problème présent. Cependant, ce n'est pas une solution puisqu'elle ne règle pas le problème présent, elle le repousse. C'est donc une fausse solution : le problème futur sera réglé en temps et lieu, selon l'endettement qui lui convient. Il n'y a pas réelle économie ; c'est une économie fictive, fausse, imaginative, spéculative.

L'économie réelle progresse plus lentement, quoique sûrement. Néanmoins, elle seule permet un réel progrès. L'obsession du progrès est la cause de toute cette fiction artificielle et spéculative. C'est une idée confuse ayant pris tant de place dans les esprits qu'elle les maintient dans un état de rêve éveillé. La fin du rêve risque de créer beaucoup de douleurs.

Ouverture :
On parle beaucoup de l'endettement comme un investissement, il faudrait donc bien saisir cette idée fondamentale à l'économie et au progrès réel pour nous assurer qu'elle n'est pas pervertie par quelque idéologie économique frauduleuse. Parlons donc d'investissement individuel, et d'investissement social.

Aide communautaire et travail social


Présentation :
Voici un essai-analyse d'une idée-solution dans le domaine politique-économique : un « système (institution) d'aide communautaire ».

Thèse :
L'aide communautaire ne peut être d'intérêt privé ; c'est fondamentalement (nécessairement) d'intérêt public.

Solution :
Il faudrait alors INVESTIR socialement dans l'aide communautaire.
L'investissement doit servir à la création d'EMPLOI.
L'emploi est la reconnaissance économique d'un TRAVAIL.
Le travail est un investissement individuel dans le SOCIAL.

Enjeux :
Ce travail social pourrait être l'emploi par excellence des étudiants, sorte de stages sociaux pouvant être associés aux domaines d'études supérieures (techniques - cégep préuniversitaire - université). - Est-ce que cela peut aider à la subvention des études, voire permettre la gratuité scolaire? ou cela ne fait que déplacer le problème de l'endettement?
Ce travail social pourrait aussi être l'emploi par excellence pour toute réintégration sociale ou inclusion sociale, mesure essentielle pour l'aide à l'itinérance.

DISCUSSION

Problème :
Cet investissement social doit être FORCÉ par une imposition indexée selon la CAPACITÉ à investir, ce qui va à l'encontre des intérêts individuels et privés. C'est un sacrifice imposé à certains, qui semble injuste. C'est une mesure qui va à l'encontre d'une certaine liberté individuelle (privée) au nom d'une égalité sociale (publique). La valeur de la société semble dépasser la valeur de l'individu, chose contraire à l'esprit du LIBÉRALISME.

Réponse :
C'est une mesure légitime puisque juste : elle combat et corrige une iniquité sociale naturelle. C'est la définition même de la JUSTICE SOCIALE. C'est la « tâche » attendue de la société : elle est nécessaire selon l'idée même de la société. Elle est même fondamentalement attendue selon l'esprit du libéralisme : la société au service de l'individu. La correction d'une iniquité naturelle ou circonstancielle est un service rendu à l'individu et la société.

Conclusion :
La justice sociale n'est pas contraire à l'idée du libéralisme, mais à l'idée fausse du libéralisme qu'on appelle aussi néo-libéralisme. Celle-ci pose comme absolu l'intérêt individuel, privé, et pose comme contingence la société et la relation entre celle-ci et l'individu. Pourtant, la société est le milieu naturel (écosystème) des individus.
Le néolibéralisme est une idée fausse car souffre d'une confusion : elle se fonde sur une réduction naturaliste (sophisme). La société (milieu naturel, écosystème) est ce qu'elle doit être (une condition subie), il faut donc l'accepter comme telle ; notre seul pouvoir d'action réside dans l'action et l'émancipation de l'individu (liberté) ; dans un tel monde, « l'homme est un loup pour l'homme » : une compétition pour l'émancipation et la libération ; celle-ci n'est possible que par la domination du milieu et les compétiteurs font partie de ce milieu.
Notons en passant que cette conception « naturaliste » de la réalité se méprend sur l'idée même de Nature fondée sur une représentation faussée de l'évolution naturelle. Elle réduit l'idée d'Évolution à la compétition alors que la coopération et l'adaptation font partie intégrante de celle-ci. Ce « réalisme » est une fausse lucidité, n'apportant l'attention que sur un « mal » pour le justifier de manière naturelle, le posant comme une loi. Surpasser le « mal » par l'acceptation et non la modification des conditions ou causes de ce mal.
De fait, la justice est une entreprise contre-nature : elle est le fruit d'une réflexion lucide sur la réalité afin de corriger artificiellement un « mal » au nom de l'idée qui se trouve par-delà bien et mal et qui comprend la cause, donc la vraie réalité.

Ouverture :
Revoir la distinction et la compréhension entre « privé » et « public », au niveau de l'intérêt.
Quelle science pouvons-nous avoir de l'intérêt? Comment dépasser l'intérêt?


Voir peut-être Nietzsche, Par-delà bien et mal.

Endettement - éducation

En cette journée de manifestation des étudiants contre la hausse des « droits de scolarité », j'entreprends une analyse du problème selon une perspective philosophique. Désolé du caractère brouillon et de la dureté de la présentation qui suit une méthode réflexive en évolution.


Problème :
La question est de savoir qui doit prendre sur ses épaules l'endettement de certaines institutions, système ou entreprise. Le problème particulier qui nous intéresse est celui du l'endettement étudiant.

Les étudiants doivent-ils s'endetter pour éviter l'endettement du système universitaire (éducation supérieure)?

Projet :
Critique de l'endettement comme solution économique (à venir).
Critique du choix social de donner le fardeau économique public au privé.
Critique du choix de donner le fardeau économique de l'éducation publique aux étudiants.
Critique de la qualité publique ou privée de l'institution scolaire supérieure.

Préliminaire :
Notons que le discours parle de « droits de scolarité » conçus comme frais.
Le « droit » est associé à un « frais ».
Le « droit » devient soumis à la capacité de payer.

Analyse :
La capacité de payer des étudiants est inégale : certains sont supportés par une famille, certains supportent une famille.
La qualité de vie des étudiants varie de ses dépendances : elles peuvent être sociales et économiques. On juge que la qualité des études bénéficiera d'une réduction des dépendances économiques. Ce jugement est vrai si et seulement si l'étude bénéficie de cette réduction de dépendance, et non le divertissement.

La capacité de payer des travailleurs est inégale : certains (hautement minoritaires) auront un emploi avec un salaire assurant cette capacité de payer sans modifier de manière significative la qualité de vie de l'individu ; certains auront un emploi sans le salaire qui assure sa capacité de payer sans modifier de manière significative la qualité de vie de l'individu ; certains n'auront pas l'emploi projeté et le salaire attendu (ce qui permet d'envisager la nécessité de prolonger des études dans le même domaine ou un autre ; d'autres n'auront pas d'emploi.
La condition sociale des travailleurs (individus) est inégale : certains sont seuls, certains sont en coopération, d'autres supportent (seuls ou en coopération) une famille.

Corollaire :
  • La soumission des droits positifs à leurs coûts est une limitation de ces droits. L'idéologie néolibérale lie cette soumission à l'affirmation de droits négatifs surtout économiques. Cependant, le droit à l'éducation est négatif et positif. Son pan négatif justifie son pan positif. C'est une valeur en soi.
  • Le droit à l'éducation est ambigu car la vocation de l'éducation en démocratie est ambigüe. Il y a confusion (mélange) entre une éducation professionnelle et une éducation civique. Le droit à l'éducation est un droit professionnel et un droit civique.
  • L'éducation civique est nécessairement d'intérêt public, donc ressort de la responsabilité de la société. La démocratisation de cette éducation est nécessaire à la vie de l'idée de démocratie libérale, ou simplement de l'idée d'une société juste. Liée à cela est la vie de l'idée même de Justice.
  • L'éducation professionnelle est plutôt d'intérêt privé, quoique nécessaire à l'intérêt public. Cependant, cette liaison est économique : l'économie publique dépend d'un « détournement » des profits de la vie économique privée ; une partie de l'intérêt privé est sacrifié pour un intérêt public. Ce qui est d'intérêt public est nécessaire à l'équité sociale.
Conclusion :
La hausse des frais de scolarité augmente les dépendances économiques des étudiants, ce qui va à l'encontre de la qualité des études. Cette hausse force l'étudiant à une dépendance économique, une situation de minorité économique. Cibler les étudiants pour porter le fardeau du coût économique des études est une erreur sociale.

La dépendance économique est liée à la dépendance à l'endettement en tant que solution économique.

Nous pouvons faire l'analogie avec une maladie ou une toxicomanie : pour perdurer, elle contamine ses parties saines pour les forcer à contribuer (collaborer) à la situation maladive. Nous avons affaire à un cercle vicieux économique. Ce cercle vicieux a contaminé le politique.

De plus, il est dans l'intérêt public de donner un enseignement professionnel de qualité, qui se vérifie dans la capacité des travailleurs à créer les conditions de leur travail (libre entreprise, innovation). Cette capacité à créer l'emploi est fortement contrainte par les dépendances économiques des nouveaux travailleurs. Cibler les étudiants pour porter le fardeau du coût économique des études professionnelles est une erreur économique.

Solution :
Les étudiants ne devraient pas subventioner leur propre éducation. Ce sont plutôt les travailleurs qui doivent subventionner l'éducation civique et l'éducation professionnelle, dans l'intérêt public. Les travailleurs peuvent subventionner l'entièreté des études si et seulement si les mesures d'imposition sont indexées selon les profits privés.

Ouverture :
Une idée juste du « profit » individuel dépend d'une idée d'une qualité de vie « juste ». La réflexion doit définir et partager cette idée d'une qualité de vie juste, nécessaire pour que les intérêts privés acceptent de sacrifier leur excès par bienveillance.

Notons le manque de compréhension de nos administrateurs, pour ne pas parler de corruption idéologique, par la solution envisagée : cibler une discrimination de la capacité à payer des étudiants. La bienveillance n'est pas valorisée (intégrée) socialement (voir le niveau politique et économique) ; on valorise plutôt l'égoïsme de l'étudiant et du travailleur.

Notons finalement la domination idéologique de la culture de consommation qui définit ses agents par ses dépendances économiques. L'agent économique est conçu comme agent égoïste...


lundi 7 novembre 2011

La mort de la science.

La vérité opératoire ne me suffit pas. Je suis hanté par le spectre de l'absolu et du fondement. La science m'a échappé depuis longtemps. Pourtant, je n'ai pas retourné à la religion de mon enfance. Je suis un peu comme un voyageur perdu, sans boussole ni repère autre que ma pensée, ma conscience, ma méthode. Toutefois, je ne crée rien, n'ouvre aucune voie. Je n'ai que cette passion qui oriente mon esprit et l'empêche de se perdre dans le courant des circonstances. C'est une malédiction d'être improductif et inefficace parmi les hommes.

La vérité scientifique ne se réduira-t-elle nécessairement qu'à la technique? La méthode expérimentale, qu'à des ruses et ingéniosités pour observer, vérifier, contrôler? Que valent des modèles essentiellement inductifs? Peu pour la science, beaucoup pour la pratique. La science est morte lorsque les scientifiques ont abandonné leur prétention à dépasser les apparences pour finalement simplement les décrire, se plongeant dans celles-ci sans réellement questionner l'expérience en elle-même. La science est morte avec la victoire de la convention des apparences sur la vérité, surtout que la convention est malléable et efficace.

Vouloir être philosophe, c'est-à-dire cultiver en soi l'idée du philosophe pour le réaliser, dans un tel monde semble inévitablement voué à l'échec. L'idée du philosophe fait violence à cette parade.

Vous voudrez questionner l'idée du philosophe pour l'intégrer à la fanfare ; parce que vous aimez l'harmonie, vous refuseriez la discordance. Ce jeu de costume a eu lieu souvent dans l'histoire. Ce fut le cas en Grèce au Ve siècle avant notre ère ; ce fut le cas longtemps lors de notre Moyen Âge au sein des Universités et cela persista au sein de cette institution par après ; c'est maintenant encore le cas. Refuser l'idée du philosophe pour le réduire à sa hauteur, c'est tuer la philosophie.

Méfiez-vous de tous les philosophes qui ne violentent pas les ego, plus encore ceux qui les flattent! Et ce ne sont pas seulement les individus qui ont un ego... Tout phénomène social et humain est porteur d'ego. La vraie science tue l'ego... l'ego tue la science.

Vérité ou délire?

Suis-je en train de rêver tout en étant à l'état de veille?
Suis-je soumis à un rêve qui s'impose très fort à mon esprit?
Suis-je en train de délirer?
Ou suis-je en train de saisir une vérité éternelle et nécessaire?
Comment savoir?
Il me faut invoquer l'aiguillon!

vendredi 4 novembre 2011

Essai de méthode spinozienne

« En outre, à partir de ce dernier point, à savoir que l'idée doit être en totale convenance avec son essence formelle, il est clair à nouveau que, pour que notre esprit produise un modèle complet de la Nature, il doit produire toutes ses idées à partir de celle qui présente l'origine et la source de la Nature toute entière, afin que cette idée soit elle-même la source des autres idées. » (Spinoza, Traité de la réforme de l'entendement, § 42.)

Cette idée vraie de la Nature, Anaximandre me semble l'avoir bien saisie. Elle consiste en un processus de détermination partant d'un substrat essentiellement indéterminé, infini et illimité. Ce substrat est donc insaisissable par les sens, mais l'est seulement par l'intellect qui, soit dit en passant, est par essence lui aussi indéterminé, infini et illimité. Il faut seulement éviter de confondre la cause et l'effet en identifiant cette substance à l'intellect, comme une certaine lecture de Platon. Ce serait plutôt le noumène kantien, qui consiste en la réalité « qui est au-delà de l'expérience qui en est faite » (fr.wikipedia.org).

Notre expérience de la Nature est limitée par notre condition d'être naturel, mais elle est aussi la condition de notre connaissance de celle-ci. Au-delà, nous ne pouvons qu'illustrer par la métaphore ou l'analogie. C'est pourquoi l'intellect ou l'âme est au corps ce que l'apeiron est aux éléments : son principe d'indétermination qui l'anime et l'ouvre aux possibles. Nous voyons aussi l'idée du Dao en vertu du Yin et du Yang.

Maintenant, se pose la question de la dissociation : esprit-corps, apeiron-éléments, Dao-Yin*Yang. Cette question est aisément résolue selon l'idée même du processus de détermination. Si les éléments sont une détermination de l'apeiron, comme les forces Yin et Yang une détermination du Dao, alors notre corps est une détermination de notre esprit. Toute détermination est en elle-même une réduction de l'être à des attributs saisissables. Les deux sont fondamentalement unis quoique le premier terme dépasse le second. En d'autres mots, l'unité de la totalité dépasse l'expression de ses attributs ; l'idée de la Nature est puissance (potentiel) alors que la nature saisie est acte.

Toute puissance ou potentiel est indéterminé et se détermine dans l'acte, comme notre identité face l'être que nous sommes présentement. D'ailleurs, la vie en elle-même est le non-vivant en acte (de vie) : le non-vivant est le potentiel infini et indéterminé du vivant qui vit par lui et à travers lui. Elle se définit même en opposition à lui (ou le définit en opposition à elle). C'est qu'elle a une saisie intuitive d'elle-même, de sa valeur, de son existence.

En conclusion, à n'observer que la Nature formelle (en acte), on ne peut saisir l'origine et la source de la Nature toute entière. Ce qu'il faut observer, c'est l'idée de la Nature toute entière représentée dans son origine et sa source. De cette idée vraie, il faut déduire les autres idées afin de saisir l'essence des êtres, donc de faire la science. Si mon idée est vraie (celle que j'emprunte d'Anaximandre), c'est une évidence à mon esprit.

Un doute s'élève dans mon esprit à l'écoute d'un axiome mécaniste : « rien ne se perd, rien ne se crée ; tout se transforme ». Comment concilier la génération par dissociation avec la transformation substantielle?

lundi 24 octobre 2011

Collaboration. Coopération. Domination. Accommodation.

Co-labor-ation : partager un labeur (subi) ; travailler ensemble. Au lieu de travailler les uns contre les autres, nous travaillons ensemble. Cependant, collaborer est travailler. Mais pourquoi travailler? Quelle peine partager? Oeuvrer, si ce n'est que pour échapper à une situation, à un milieu. Nous collaborons au contrôle de cette situation, de notre milieu, du milieu (lieu). La collaboration est une forme de contrôle et participe de sa logique. Cependant, elle est de l'ordre du subi : elle est subordonnée à un pouvoir qui l'oriente. Nous trouvons tout au long de notre histoire quantité d'exemples de populations collaborant à une autorité s'imposant comme situation, comme milieu. Elle se laisse contrôler.

Co-oper-ation : opérer ensemble ; gérer ensemble. La coopération est déjà plus politique que la collaboration (elle est subordonnée à un pouvoir qui l'oriente). La coopération contient en elle-même sa propre orientation, son propre pouvoir. Cependant, la coopération est encore oeuvre, travail, contrôle. La relation au monde est celle du contrôle (des conditions matérielles) même si son projet est une justice distributive des « biens » retirés de ce contrôle. Il y a « profit », si ce n'est contre des humains, contre la nature, la situation, les événements.

Domin-ation : le fait d'exercer son contrôle, son autorité en tant que maître (de maison, mais par extension la Maîtrise en général). L'art politique par excellence, la domination est l'exercice même du pouvoir pour contrôler. Il n'y a pas de fin au contrôle car il s'exerce par dissociation et détermine sa valeur par cette relation. Toute valeur prend place dans cette échelle distinctive du maître-esclave. Volonté de puissance!

Ac-com-mod-ation : et faire avec mesure, faire même avec le milieu, quand le milieu le demande. S'il y a une notion environnementale, écologique, fondamentale, ce devrait bien être celle-là. L'accommodation n'est pas politique, elle est éthique. Elle est une manière d'être face à la circonstance, une attitude visant l'équilibre et la compréhension, non la domination ou le pouvoir. Manière de vivre sans s'imposer. Volonté d'équilibre, d'unité. C'est certainement la vraie justice : celle enseignée par la nature et non la culture (notre culture). L'évolution en elle-même prend un autre sens. Elle n'est plus l'expression de la puissance d'un ego dans la réalité ; elle est l'adaptabilité d'un non-ego (détachement) dans la réalité. Il n'y a pas d'opposition, il n'y a pas de domination. La mesure (éthique) et le milieu (situation) s'équilibrent. La tension ne neutralise. La conscience est maintenue en éveil, non concentrée à une tâche-contrôle de situation (où il y a nécessairement projection).

Conclusion.
Je peux continuer longtemps sur l'accommodation. Sa valeur est éminemment philosophique et à mon sens dépasse et surpasse les autres sus-mentionnées. Sa valeur est universelle, elle est celle de la vie, de la survie, de la nature même (toute réalité s'entre-adapte). L'humain, celui ayant peut-être le plus grand potentiel pour faire émerger les possibilités du réel en plongeant dedans, est en même temps celui qui refuse de limiter son ego. C'est un choix éthique lourd de conséquences. Observons où nous en sommes rendus.

dimanche 23 octobre 2011

La « parole » d'Anaximandre : du monisme matérialiste.


Retournons à la racine de la science, faisons un peu d’épistémologie afin de discuter de la limite fondamentale de toute saisie de la réalité par les sens. Avant d’ajouter une donnée dans une hypothèse, il faut bien pousser au bout l’idée de celle-ci afin de ne rien y ajouter de superflu. L’imagination et l’émotion, voire la passion, peuvent en elles-mêmes corrompre la froide constatation et discussion de la réalité connaissable. Le projet étant rationnel, critique, entrons en discussion avec l’idée du monisme matérialiste qu’on remonte à l’École de Milet.


Anaximandre de Milet fut peut-être le premier, et peut-être le plus grand, désenchanteur de la Nature. Disciple de Thalès de Milet, ils formèrent autour d’eux la fameuse École de Milet : l’École matérialiste d’Ionie dont la renommée et l’influence fit naître aux limites de l’empire grec émergeant de nombreuses autres Écoles de philosophie de la Nature (les fameux « physiciens » présocratiques). Le désenchantement de la nature consiste à l’explication de celle-ci sans référer à des réalités surnaturelles qui sont par essence des projections anthropologiques (imagination, émotions, intentions).


Entrons donc au coeur du matérialisme.


Parmi les grandes écoles de physiciens, il nous est difficile de taire Démocrite et son École des Atomistes puisqu’il semble correspondre à la conception de la réalité qui a émergé suite à l’entreprise de la science moderne. Ce fut avec grande passion qu’on fit revivre l’idée de l’Atoma : l'élément indivisible, la particule insécable. Le projet est d’expliquer le Multiple par l’Unité originelle qui le compose. Nous voilà bien dans un modèle explicatif et expérimental cherchant à déterminer les mécanismes matériels.


Cependant, si notre quête matérialiste est l'Atoma (l'Un-Multiple), notre regard ne fait encore et toujours que rechercher à déterminer et délimiter l'élément matériel. L'Atoma se veut une réalité définie, finie. Cependant, notre volonté à diviser pour expliquer nous confronte nécessairement à l'essence indéfinie de la réalité, ce que l’on observe dans l’étude de l’infiniment petit. Désormais, nous ne parlons plus d’Atoma, mais de Quanta. Pourtant, le projet demeure le même : la recherche du principe dans l’élément (le Quanta étant le nouvel élément-principe).


Anaximandre de Milet propose une idée différente sur la réalité matérielle, idée qui se veut une réponse au paradoxe de la recherche du principe dans l’élément. Le principe ne peut être un élément, il doit être autre chose, une chose qui explique l’origine et la transformation des éléments. L'Apeiron est l'idée de la réalité comme substance matérielle illimitée, infinie, indéterminable et imperceptible. La Totalité - Multiple - est dans cette Unité et s'explique dans cette Unité. On peut voir cela comme l’idée de l’holisme : « le tout est plus que la somme de ses parties », que reprendra plus tard Aristote.


Malgré les difficultés historiques, tentons de plonger dans l’idée d’Apeiron, citée par Simplicius :


« L'Illimité (Apeiron) est le principe (archè) des choses qui sont (ou étants : onta) selon la nécessité ; car elles se rendent mutuellement justice et réparent leurs injustices selon l'ordre du temps. »


Après avoir cité Anaximandre de Milet, Simplicius commente cette « parole ». Il explique ainsi ce principe de la Nature : « Ce dont la génération procède pour les choses qui sont est aussi ce vers quoi elles retournent sous l'effet de la corruption. » Quoique la valeur historique de cette « parole » soit sujette à controverse, l'idée ou le problème philosophique qu'elle soulève a une force terrassante pour la pensée et la vie : le monisme matérialiste est-il soutenable?


Simplicius poursuit en expliquant que la génération ne se fait pas par altération élémentaire mais par dissociation des contraires sous l'effet du mouvement éternel. Cette « dissociation » serait une séparation ou une discrimination déterminante. Plusieurs idées fondamentales s'y trouvent : (1) la détermination de l'étant (ce qui est) par dissociation, l'étant n'étant (!) qu'une discrimination de l'être, d'où l'idée d'une injustice fondamentale dans la prétention savante (scientifique) ; (2) la dissociation génère un couple d'opposés (contraires) entre ce qui s'est dissocié et ce de quoi il s'est dissocié, la dualité ainsi formée étant nécessairement en relation signifiante (l'un se définit par rapport à l'autre) ; (3) s'il y a génération (création), il y a nécessairement un mouvement de retour à l'origine, à la source, puisque la dissociation est temporaire (temporelle) ; une dissociation non temporaire, donc éternelle, serait intemporelle, nécessaire, incorruptible ; seul ce mouvement d'allé-retour est éternel.


Autrement dit, (1) notre connaissance ne saisit que des réalités déterminées, (2) mais ces réalités déterminées ne sont saisies qu'en relation à l'ensemble de la réalité, indéterminable (indéterminée) et (3) « tu es poussière, tu retourneras à la poussière », toute réalité déterminée est nécessairement temporelle, temporaire : notre savoir, notre vie, notre espèce, notre planète, notre cosmos, notre univers...


Finalement, Anaximandre verrait la nature perceptible comme un mécanisme en mouvement constant de génération en évolution, donc en corruption. Son honnêteté intellectuelle n'induit aucune connotation morale, positive ou négative, aux idées de « génération » (passionnément valorisée par des êtres générés), de « corruption » (passionnément dévalorisée par des êtres corruptibles) et d'« évolution » (espoir et foi dans un sens et une valeur intrinsèque à l'existence même d'êtres participant de cette évolution). Il dénote une réalité naturelle induite de l'observation et de l'expérience des étoiles, de l'environnement, de la vie...
L'Être véritable de la nature serait alors Un Tout Infini Illimité Indéterminé Indémontrable Imperceptible, quoique matériel... L'Étant matériel n'est pas l'Être matériel. Le réel potentiel nous est inconnu.


À mon sens, un monisme matérialiste est possible. Mais en est-il réellement ainsi? Toute recherche scientifique devrait finir par pointer dans cette direction si c'est le cas.


Tout comme notre connaissance retourne à l'oubli (l'inconnu), l'organique retourne à l'inorganique, l'inorganique à la dissolution. Ce qui vit meurt et engendre pour échapper à la disparition. Tant de volonté pour échapper à l'inévitable puisqu'étant LA JUSTICE ÉTERNELLE (la LOI de la NÉCESSITÉ). Nous sommes loin du jugement dernier ou de la justice divine... Qu'est donc la moralité lorsque nous venons de désenchanter la Nature, lorsque nous venons d'exposer l'absurdité de tout espoir et la tyrannie de la peur?
Dans un tel monde, vivre en soi est une entreprise philosophique : il faut accepter et vivre La Justice. Vivre sans peur ni espoir.

vendredi 23 septembre 2011

Contrôle et accomodation.


Les modes de surveillance développées au sein des sociétés nous définissent ; du moins ils définissent les jugements que nous portons pour nous définir. Surveillance et contrôle, tels sont les rôles des lois et de l’éducation. Le grand défi propre aux sociétés libres est d’élaborer non pas de tels modes « invisibles » ou « transparents », « secrets », mais au contraire entièrement publiques : pour le bien de tous et selon le consentement de tous.

Ne rêvons pas. Un gouvernement entièrement consensuel est impossible lorsque les humains se subissent entre eux, compétitionnent  pour un salut réservé qu’à une minorité d’élus. Encore faut-il qu’ils soient réellement élus.

« Ce sont des Élus! »

Telle devrait être notre voix civique. L’idéal des démocraties libérales modernes est de crier haut et fort : « Nous sommes tous des Élus! » Que faire de ceux qui ne veulent pas être des Élus? Ceux qui se refusent à porter la charge morale de la société? Jésus a dit devant ses juges : « Je suis l’Élu » ; Socrate a dit devant ses juges : « Je suis un Élu, et tous peuvent l’être. » Cette « prétention » n’agresse que ceux fermés à cette dignité : ceux qui cherchent le pouvoir associé à la charge morale de la société tout en n’assumant pas cette réelle responsabilité. Ils créent les règles d’un jeu dont ils veulent être Maîtres ; et sous leur main, ils voient l’ensemble de l’Humanité.

Il y a une perversion fondamentale dans la quête de pouvoir et de contrôle des réalités extérieures, que ce soit l’environnement ou les autres : elle consume. Elle a besoin de s’arrêter, sinon elle brûlera l’Univers. Pouvoir et contrôle sont des illusions passagères. La réalité et la vérité se trouve dans l’accommodation. C’est une vérité tant naturelle que sociale.

La contemplation est un travail.


La contemplation est un travail. C’est pourtant le plus grand travail de tous, celui fait sur soi, défrichant la sauvagerie intérieure à soi. La contemplation permet la réalisation de la vraie liberté. Notre environnement est souffrance et bonheur.

La religion institue parmi les humains une classe de travailleurs de l’interne. Ils travaillent pour le salut de tous, en rappelant aux humains la liberté et le devoir. Ils prêchent par l’exemple. En un sens, ce sont les réels premiers philosophes.

Pourtant, la religion continue encore d’être le terrain de conflits. La religion devient prétexte au conflit. Elle ouvre la voix aux rages, douleurs, déceptions de l’humanité. Elle en devient le flambeau. Veut-elle purifier l’humanité de ces passions? Tient-elle place de purgation, de défoulement? Certes, elle n’est pas toujours sublimation.

Vivre ensemble et trouver un sens à cette vie, voilà la volonté du religieux.

S’il travaille sur l’océan intérieur, son devoir est parmi les humains. Il revient avec une parole, avec une manière de vivre. Sa parole soutient sa manière de vivre. Lorsque la parole se dissocie de la vie, c’est le début de la quête de sens dans la vacuité. Dans cette « quête », une grande part de l’humanité s’y est jetée.

La victoire de la technique sur nos vies en est le témoignage présent, aussi troublant qu’il soit.

Nous « ouvrons nos sens » qu’à des expériences avec la volonté de les contrôler. Nos expériences, loin d’être subies de notre contact avec l’environnement naturel, deviennent le jeu d’un environnement artificiel, culturel, dont seul un retour à la nature peut nous sembler rédempteur.

Il y a conflit, tension, entre la nature et la culture lorsque la communauté s’impose aux éléments. La survie de l’individu n’est plus en relation avec sa vie, son environnement ; elle devient en relation avec la vie d’autrui. La Nature, qui était Maîtresse de nos vies, Clémente et Destructrice, est progressivement remplacée par la Culture, devenue nouvelle Maîtresse, tout aussi Indifférente, mais avec visage Humain. La Culture reflète le meilleur et le pire de l’humain. Lorsque le pire s’impose sur le meilleur, l’humanité perd espoir et se retourne contre elle-même, en un geste de « survie », de désespoir.

C’est alors le chemin du « plus fort ». La réussite est le signe d’une bénédiction sociale ; la misère, signe de malédiction. Chacun devient maître et esclave de son sort. Celui qui a des amis peut vivre bien pour un temps mais pauvres sont ceux qui ne sont pas ses amis. Mais quelle est cette amitié? La voulons-nous?

Comment nous rappeler de notre humanité, nous, entre autres, américains? Qu’est devenue l’Amitié, la Fraternité? Le romantisme du gangstérisme est au sein de notre culture. Nous voyons ainsi s’élaborer l’arbre de nos relations, dont celles du travail…

Pour retrouver le sens de l’amitié, il faut savoir moindrement un peu contempler…

Le travail.


Le travail est la frontière entre l'environnement et le bonheur.

Si le bonheur n'a de sens que lorsque partagé, en est-il de même du travail? De l'environnement?

mercredi 14 septembre 2011

Pourquoi Apeiron?


Pourquoi Apeiron?

Nous ne saisissons qu'un « négatif » de la réalité. Étant en soi des êtres finis, déterminés, nous ne percevons que des réalités finies, déterminées. Pouvons-nous pour autant réduire la réalité à notre perspective déterminée?

La réalité est en soi indéterminable, infinie, illimitée (apeiron) comme l'énonçait Anaximandre voilà très longtemps. Tout comme Nietzsche ou Heidegger, nous sommes marqués par le gouffre qui s'ouvre à notre conscience lorsque nous contemplons notre prétention à connaître : elle sera toujours à notre hauteur, celle de notre ego...

Malgré ses efforts de systématisation, les philosophies n'ont pas toujours exprimé la volonté de déterminer la réalité, de la rendre intelligible (en dévoilant son intelligence) et claire : à la rendre rassurante pour notre esprit. Peu s'en dit du gouffre de ténèbres angoissantes enveloppant cette lumière. Le contempler, c'est risquer d'y tomber, de s'y perdre. Mais peut-on qualifier de pessimiste celui qui en ressort et le vit?

Il n'y a aucune réelle sagesse sans lucidité. Et si cette lucidité tue tout espoir, elle n'empêche en rien la vie d'éclore dans toute sa joie grave. Le doute nous délivre de nos certitudes ; s'ouvrir à l'indéterminable nous délivre de la détermination... pour nous y replonger. L'humain peut saisir l'indéterminé non par l'imagination, mais parce qu'il est l'être qui le porte en lui et l'accomplit.

Nageons comme les poissons que nous sommes, continuons infiniment d'apprendre à respirer un air trop pur pour nos organes. Ainsi, nous nous dépasserons. Nous évoluerons.

Quelle belle absurdité sommes-nous!




mercredi 31 août 2011

Bonjour.

Bienvenue en cet espace de réflexion qui prend le relais de mon travail sur myspace. L'orientation sera la même : des essais philosophiques sur thèmes divers auxquels vous êtes invités à partager votre perspective, opinion, suggestions. C'est en même temps un espace de travail (réflexion) ouvert à la discussion, un espace politique en quelque sorte.

Le politique ne concerne pas seulement les questions de gouvernance des affaires publiques. En un sens, est politique aussi la gouvernance interne que les individus se donnent, ainsi que leur gouvernance face aux autres, dans les relations qu'ils entretiennent ou vivent accidentellement. En soi, discuter suppose un geste politique. C'est d'ailleurs le geste fondamental de nos sociétés « politiques » ou « démocratiques ».

Discuter, mais discuter de quoi?

L'essentiel de la discussion n'est pas le sujet, qui souvent n'est que le reflet du sujet qui discute ; l'essentiel est plutôt l'ouverture qu'elle permet : dépasser le sujet, se dépasser comme sujet toujours centré sur soi. Se dépasser, se surpasser, s'ouvrir.

N'est-ce pas, de fait, le projet de cette entreprise? Ce blogue, un geste d'engagement.

Peu importe où nous porterons nos idées ou intuitions, je vous invite à partager ce voyage librement et respectueusement.

Au plaisir!