dimanche 13 mai 2012

Souvenirs d'esclavage. Éducation à l'humanité.

Je pensais en avoir fini de spammer des messages faisant réfléchir sur nos politiques actuelles. Mais non. Lisant l'introduction de ma version « Du devoir de la désobéissance civile » de H. D. Thoreau par Sylvie Chaput, je suis tombé sur une citation d'un ancien esclave lors des troubles civiques causés par la question de l'esclavage chez nos voisins méridionaux.

Frederick Douglass décrit dans ses « Mémoires d'un esclave américain » de 1845 sa condition de deux décennies d'esclavage. Voici ses mots (traduits par Franchita Gonzales-Batlle, 1980) :

« Mon expérience de l'esclavage m'a permis d'observer que, chaque fois que ma condition s'améliorait, cela ne faisait qu'accroître mon désir d'être libre, au lieu d'accroître ma satisfaction, et m'entraînait à réfléchir aux moyens d'obtenir ma liberté. J'ai découvert que, pour rendre un esclave satisfait, il faut le rendre sans pensée. Il faut obscurcir sa vision morale et mentale et, autant que possible, anéantir la force de la raison. Il ne doit être capable de relever aucune contradiction dans l'esclavage; on doit faire en sorte qu'il trouve l'esclavage juste, et il ne peut y être amené que lorsqu'il cesse d'être un homme. »

Prenez le temps - il le faut - de relire ces propos.

Rien n'est pire que l'esclave qui justifie lui-même sa propre condition servile. Il se pose comme un non-humain... rationnellement. Le maître, malgré sa bassesse morale, ne fait que jouer et utiliser l'absence de moralité de l'esprit qui justifie l'injustifiable.

Ce qui demeure troublant dans tout ça, c'est de constater l'éternel retour du même : l'esclave était la principale force de travail, main d'oeuvre, des sociétés esclavagistes ; si la force de travail a changé de nom, le travail (et sa condition) se perpétue. Et je peux trop facilement lire à la place « d'esclavage », « salarié » ou « travailleur ». Et les opinions manifestées sur nos places publiques me confirment cette intuition.

« Pour rendre un [travailleur] satisfait, il faut le rendre sans pensée. Il faut obscurcir sa vision morale et mentale et, autant que possible, anéantir la force de la raison. Il ne doit être capable de relever aucune contradiction dans [le travail]; on doit faire en sorte qu'il trouve [le travail] juste, et il ne peut y être amené que lorsqu'il cesse d'être un homme. »

La société de travailleurs-consommateurs est la mort de l'humanité. Quoi penser de ceux qui s'évertuent à faire de l'éducation 1) la préparation au travail, ou 2) un service pour consommateurs-étudiants (PME individuelle)? Que penser maintenant de ceux qui justifient tout cela, parmi lesquels se trouvent des enseignants, beaucoup de travailleurs, des étudiants, trop de « citoyens »...?