lundi 7 novembre 2011

La mort de la science.

La vérité opératoire ne me suffit pas. Je suis hanté par le spectre de l'absolu et du fondement. La science m'a échappé depuis longtemps. Pourtant, je n'ai pas retourné à la religion de mon enfance. Je suis un peu comme un voyageur perdu, sans boussole ni repère autre que ma pensée, ma conscience, ma méthode. Toutefois, je ne crée rien, n'ouvre aucune voie. Je n'ai que cette passion qui oriente mon esprit et l'empêche de se perdre dans le courant des circonstances. C'est une malédiction d'être improductif et inefficace parmi les hommes.

La vérité scientifique ne se réduira-t-elle nécessairement qu'à la technique? La méthode expérimentale, qu'à des ruses et ingéniosités pour observer, vérifier, contrôler? Que valent des modèles essentiellement inductifs? Peu pour la science, beaucoup pour la pratique. La science est morte lorsque les scientifiques ont abandonné leur prétention à dépasser les apparences pour finalement simplement les décrire, se plongeant dans celles-ci sans réellement questionner l'expérience en elle-même. La science est morte avec la victoire de la convention des apparences sur la vérité, surtout que la convention est malléable et efficace.

Vouloir être philosophe, c'est-à-dire cultiver en soi l'idée du philosophe pour le réaliser, dans un tel monde semble inévitablement voué à l'échec. L'idée du philosophe fait violence à cette parade.

Vous voudrez questionner l'idée du philosophe pour l'intégrer à la fanfare ; parce que vous aimez l'harmonie, vous refuseriez la discordance. Ce jeu de costume a eu lieu souvent dans l'histoire. Ce fut le cas en Grèce au Ve siècle avant notre ère ; ce fut le cas longtemps lors de notre Moyen Âge au sein des Universités et cela persista au sein de cette institution par après ; c'est maintenant encore le cas. Refuser l'idée du philosophe pour le réduire à sa hauteur, c'est tuer la philosophie.

Méfiez-vous de tous les philosophes qui ne violentent pas les ego, plus encore ceux qui les flattent! Et ce ne sont pas seulement les individus qui ont un ego... Tout phénomène social et humain est porteur d'ego. La vraie science tue l'ego... l'ego tue la science.

6 commentaires:

  1. La science est plus vivante que jamais! Tu méprends ce-qui-est et ce que tu crois que la science devrait être. Elle n'est pas morte, elle a simplement changé, et heureusement d'ailleurs. Dire que la science se reduit à la technique est l'équivalent de dire que la philosophie n'est qu'un tas de bouquins.

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  2. Ah mon cher, tu as raison!

    La philosophie n'est qu'un tas de bouquins comme la science se trouve dominée par la technique. En changeant, une partie d'elle est « morte » et c'est justement l'«idée de la science»! Comme dit Nietzsche, l'«idée» est morte, c'est le« crépuscule des idoles». Un peu comme la «philosophie» d'ailleurs, semble se réduire à pas grand chose : prenons à témoins le sens et l'importance qu'elle prend dans nos vies. On peut dire qu'elle est devenue justement un tas de bouquins contenant un tas de pensées et de concepts... un tas de systèmes passés.

    Il me semble, et je me trompe peut-être, que Je ne méprends pas ce que devrait être la science, avec ce qu'elle est, sa vie présente. À mon sens, c'est plutôt toi qui me semble confondre la science telle qu'elle est présentement, dans sa vie, avec ce qu'elle devrait être ; à moins que tu n'ose pas te positionner sur ce qu'elle devrait être, son idée. Pourtant, nous savons bien que tu as une idée de tout cela, peut-être une idée bien plus claire que moi. Dans ce cas, il faudrait m'expliquer car je vois mal la pertinence de tes arguments. Qu'entends-tu par «technique»?

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  3. Toi qui veux les prendre à témoin, je te met au défi d'amener à la barre le "sens et l'importance qu'a pris la philosophie dans nos vies". Même si tu y parviens métaphoriquement, ce ne sera que pour constater à quel point son impact est profond, vaste et surtout divers, propre à chaque personne. Une des choses les plus importantes qu'il m'ait été donné de constater au sujet de la philosophie en lisant les textes de penseurs de toute époque, c'est à quel point leurs idées sont aujourd'hui imbriquées dans notre culture, dans notre façon de penser. Plusieurs nous paraissent maintenant évidentes. Loin de rester dans les bouquins, tant et tant de ces idées sont aujourd'hui une part entière de notre culture et de notre conception du monde. Il en va de même pour la science. Les deux vivent à travers nous. Dire que la science est morte et que la philosophie se limite aux bouquins, c'est nier une part de ce que nous sommes devenus grâce à elles. Et c'est surtout un constat bien plus défaitiste que je ne suis habitué d'entendre de toi.

    Peu importe qui confonds quoi, pour moi, une chose est limpide: l'activité scientifique, la communauté scientifique, l'idée scientifique (recherche des vérités de ce monde en passant par des vérités provisoires remises en question),-la science quoi!- sont tout ce qu'il y a de plus vivants et actifs aujourd'hui. Pour ne prendre qu'un exemple, le LHC est un modèle de coopération entre les pays et leurs scientifiques, en plus d'être la plus grande expérience jamais entreprise et portant sur des questions si fondamentales qu'elles éclatent les barrières perçues entre philosophie et physique. La technique mise au service des idées, quoi.

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  4. Je ne suis pas défaitiste, si non je ne consacrerai pas ma vie à faire vivre une idée si étrangère à notre temps que celle de la philosophie. Pour moi, la vie vient de la conscience. Ainsi, que les idées de philosophes vivent inconsciemment dans notre culture ne leur donne aucune valeur ; tout au plus offrent-elles un tremplin pour comprendre d'où nous venons. Encore faut-il avoir la capacité de s'en émerveiller.

    Pourtant, ton optimisme me semble peu critique. Tu sais combien de recherches sont soumises à des intérêts économiques et que le contraire est bien l'exception (elles nous font garder espoir toutefois). Il faut nuancer : tout n'est pas parfait, « pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » ; tout n'est pas corrompu non plus (ce n'est pas ce que je dis).

    Je ne sais pas si c'est l'idée de la mort dans le texte qui appelle tant de résistance. On peut voir la mort comme un simple passage vers un autre état, comme on peut voir la mort comme la fin d'un état. Ce sont deux perspectives différentes ; on voit la première comme positive et la seconde comme négative. Pourtant, c'est la seconde qui est vraie.

    La communauté scientifique est bien loin d'être morte! Elle est en effet plus vivante que jamais. Je ne sais pas si on peut en dire autant de la communauté philosophique pourtant. Ces communautés font vivre une certaine idée de la science et de la philosophie. Cette idée peut être vraie, mais elle peut être fausse, fictive ou confuse. Pour paraître moins « défaitiste », je dirai qu'elles sont présentement confuses puisqu'elles mélangent de l'apparence et de l'idée. Le tout est plus ou moins compris. C'est vrai pour l'idée de la philosophie, mais aussi pour l'idée de la science.

    Peu de scientifiques poussent leur réflexion sur leur quête afin de comprendre celle-ci. Encore moins entreprennent une démarche critique sur celle-ci. Pourtant, les deux sont nécessaires afin de percevoir l'idée véritable (les deux poursuivent un idéal) qui s'y trouve, au-delà de notre attachement à celle-ci. La vue de cette idée en elle-même éclaire notre vie et nous place face à la nécessité de faire vivre celle-ci. C'est ce que nous faisons tous les deux, et c'est sûrement ainsi que nous faisons vivre la science et la philosophie. Il ne faut seulement pas être l'exception, d'où le constat de la place et l'importance que la pensée de ces idées ont dans nos vies.

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  5. Bien dit!

    Je note toutefois que:
    1) Je n'ai pas dit que la connaissance transmise par la philosophie et la science était inconsciente. Elle est tout au contraire, consciemment transmise à travers l'éducation des parents, de l'école, des modèles, etc. Elle a sa valeur. Mais tu as raison: la place de la science est bien plus grande que celle de la philosophie.
    2) Je n'ai jamais dit être pleinement optimiste. Je suis de tout temps pour la nuance. Je me suis d'ailleurs permis de trouver que ton verdict de "mort de la science" était bien peu nuancée. D'où mes commentaires.
    3) Je pense que de ton point de vue, la "science" telle qu'on la pensait avant, celle dont parle Nietzsche, est morte depuis longtemps. Nietzsche aussi d'ailleurs... :) Comme je l'ai dit en premier lieu, elle a évolué depuis. Et pour le mieux à mon avis. Mais pas en ce qui a trait à son lien avec la philosophie. Ce lien, à proprement parler, a effectivement beaucoup diminué.
    4) Il y a effectivement des gens, en science, qui ne cherchent pas à la questionner dans ses fondements, qui ne sont pas critiques. Ce qui m'effraie le plus, c'est de constater à quel point ce processus de questionnement n'est pas nécessaire au processus scientifique en tant que tel. Mais je me permet de croire qu'une bonne proportion de la communauté scientifique s'y intéresse, ne serais-ce qu'un peu. Kuhn n'était-il pas scientifique de formation? Rassure-toi, nous ne sommes pas seuls... :)

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  6. Dis-moi ce que tu en penses :

    Je me demande si on peut nommer épistémologie ce qui est « sociologie des sciences » ou « philosophie des sciences ».

    Dans mon encyclopédie, la « philosophie des science », appelée « théorie de la science », « s'occupe des présuppositions et fondements de la connaissance dans les sciences particulières. Leurs méthodes, principes, concepts et buts y sont précisés et soumis à un examen critique. »

    Pour ce qui est de l'épistémologie, appelée « théorie de la connaissance », on affirme qu'« il s'agit de la doctrine (!?) des conditions, de l'essence et des limites de la connaissance. Elle thématise le rapport du sujet, de l'objet et du contenu de la connaissance. »

    Mis à part qu'il faudrait discuter du rapport entre l'épistémologie et la doctrine (système, dogme, idéologie, thèse, opinion, etc.), il m'apparaît que son objet est plus général, et peut-être fondamental.

    J'ai comme opinion (thèse?) que les sciences (l'ensemble des sciences particulières dont on nomme la communauté « la science ») se fonde sur une théorie de la connaissance plus générale qu'elle ne réfléchit malheureusement pas assez. La réflexion critique sur le fondement de la connaissance, l'épistémologie, est nécessaire pour fonder le sens de toute entreprise scientifique (les sciences), pour faire, à mon sens, véritablement de la science.

    C'est pourquoi aussi je dis que les sciences sont en-deçà de l'idée de la science. Les sciences purement théoriques, quoique minoritaires dans le champ des recherches actuelles, sont celles qui poussent, vérifient et questionnent ces fondements particuliers, provoquant les bouleversements, crises et éventuellement révolutions scientifiques.

    Cependant, ce sont des sciences ; pour moi, la Science suit l'idée de la science. La Science n'est donc pas pour moi une communauté d'esprits, mais l'esprit qui saisit l'idée de la science et pense selon celle-ci.

    Pour qu'il y ait révolution de conscience, il faut comprendre le sens de la révolution dans la connaissance (révolutions scientifiques). Il ne faut pas transmettre simplement un nouveau modèle, il faut amener à comprendre ce nouveau modèle. C'est pourquoi l'idée de la Science est si importante.

    Cependant, puisque les scientifiques apprennent en appliquant, leur compréhension du modèle qu'ils appliquent est vague et confuse : elle mêle l'idée du modèle avec les observations. Un scientifique qui voudrait philosopher devrait se détacher de l'application pour comprendre par la réflexion, seule voie possible pour saisir clairement le modèle, avec sa force et ses failles. Mais encore là, il comprendrait sa science (son domaine), mais ayant saisi l'idée de la science à travers elle, il en viendrait à comprendre les autres sciences. C'est à ce moment que je parle de la vraie Science, qui est indissociable de la conscience.

    Je pense que cette perspective est possible et même nécessaire. Je réponds à ceux qui soutiennent qu'il est impossible de saisir la science dans un seul esprit. Dire qu'on peut s'en passer pour faire de la science, c'est enlever toute réflexion de la science en la réduisant à la simple application de modèles jusqu'à leur limite logique, construisant un monde abstrait et fermé, rempli de techniques qui sont le prolongement d'esprits violents et fermés à la réflexion. (Ce dernier passage était pessimiste).

    Je soutiens que la philosophie est nécessaire à la science et que sans philosophie, la science n'est pas science, elle est barbarie. Ses fruits deviennent des armes. ;)

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