vendredi 23 septembre 2011

Contrôle et accomodation.


Les modes de surveillance développées au sein des sociétés nous définissent ; du moins ils définissent les jugements que nous portons pour nous définir. Surveillance et contrôle, tels sont les rôles des lois et de l’éducation. Le grand défi propre aux sociétés libres est d’élaborer non pas de tels modes « invisibles » ou « transparents », « secrets », mais au contraire entièrement publiques : pour le bien de tous et selon le consentement de tous.

Ne rêvons pas. Un gouvernement entièrement consensuel est impossible lorsque les humains se subissent entre eux, compétitionnent  pour un salut réservé qu’à une minorité d’élus. Encore faut-il qu’ils soient réellement élus.

« Ce sont des Élus! »

Telle devrait être notre voix civique. L’idéal des démocraties libérales modernes est de crier haut et fort : « Nous sommes tous des Élus! » Que faire de ceux qui ne veulent pas être des Élus? Ceux qui se refusent à porter la charge morale de la société? Jésus a dit devant ses juges : « Je suis l’Élu » ; Socrate a dit devant ses juges : « Je suis un Élu, et tous peuvent l’être. » Cette « prétention » n’agresse que ceux fermés à cette dignité : ceux qui cherchent le pouvoir associé à la charge morale de la société tout en n’assumant pas cette réelle responsabilité. Ils créent les règles d’un jeu dont ils veulent être Maîtres ; et sous leur main, ils voient l’ensemble de l’Humanité.

Il y a une perversion fondamentale dans la quête de pouvoir et de contrôle des réalités extérieures, que ce soit l’environnement ou les autres : elle consume. Elle a besoin de s’arrêter, sinon elle brûlera l’Univers. Pouvoir et contrôle sont des illusions passagères. La réalité et la vérité se trouve dans l’accommodation. C’est une vérité tant naturelle que sociale.

La contemplation est un travail.


La contemplation est un travail. C’est pourtant le plus grand travail de tous, celui fait sur soi, défrichant la sauvagerie intérieure à soi. La contemplation permet la réalisation de la vraie liberté. Notre environnement est souffrance et bonheur.

La religion institue parmi les humains une classe de travailleurs de l’interne. Ils travaillent pour le salut de tous, en rappelant aux humains la liberté et le devoir. Ils prêchent par l’exemple. En un sens, ce sont les réels premiers philosophes.

Pourtant, la religion continue encore d’être le terrain de conflits. La religion devient prétexte au conflit. Elle ouvre la voix aux rages, douleurs, déceptions de l’humanité. Elle en devient le flambeau. Veut-elle purifier l’humanité de ces passions? Tient-elle place de purgation, de défoulement? Certes, elle n’est pas toujours sublimation.

Vivre ensemble et trouver un sens à cette vie, voilà la volonté du religieux.

S’il travaille sur l’océan intérieur, son devoir est parmi les humains. Il revient avec une parole, avec une manière de vivre. Sa parole soutient sa manière de vivre. Lorsque la parole se dissocie de la vie, c’est le début de la quête de sens dans la vacuité. Dans cette « quête », une grande part de l’humanité s’y est jetée.

La victoire de la technique sur nos vies en est le témoignage présent, aussi troublant qu’il soit.

Nous « ouvrons nos sens » qu’à des expériences avec la volonté de les contrôler. Nos expériences, loin d’être subies de notre contact avec l’environnement naturel, deviennent le jeu d’un environnement artificiel, culturel, dont seul un retour à la nature peut nous sembler rédempteur.

Il y a conflit, tension, entre la nature et la culture lorsque la communauté s’impose aux éléments. La survie de l’individu n’est plus en relation avec sa vie, son environnement ; elle devient en relation avec la vie d’autrui. La Nature, qui était Maîtresse de nos vies, Clémente et Destructrice, est progressivement remplacée par la Culture, devenue nouvelle Maîtresse, tout aussi Indifférente, mais avec visage Humain. La Culture reflète le meilleur et le pire de l’humain. Lorsque le pire s’impose sur le meilleur, l’humanité perd espoir et se retourne contre elle-même, en un geste de « survie », de désespoir.

C’est alors le chemin du « plus fort ». La réussite est le signe d’une bénédiction sociale ; la misère, signe de malédiction. Chacun devient maître et esclave de son sort. Celui qui a des amis peut vivre bien pour un temps mais pauvres sont ceux qui ne sont pas ses amis. Mais quelle est cette amitié? La voulons-nous?

Comment nous rappeler de notre humanité, nous, entre autres, américains? Qu’est devenue l’Amitié, la Fraternité? Le romantisme du gangstérisme est au sein de notre culture. Nous voyons ainsi s’élaborer l’arbre de nos relations, dont celles du travail…

Pour retrouver le sens de l’amitié, il faut savoir moindrement un peu contempler…

Le travail.


Le travail est la frontière entre l'environnement et le bonheur.

Si le bonheur n'a de sens que lorsque partagé, en est-il de même du travail? De l'environnement?

mercredi 14 septembre 2011

Pourquoi Apeiron?


Pourquoi Apeiron?

Nous ne saisissons qu'un « négatif » de la réalité. Étant en soi des êtres finis, déterminés, nous ne percevons que des réalités finies, déterminées. Pouvons-nous pour autant réduire la réalité à notre perspective déterminée?

La réalité est en soi indéterminable, infinie, illimitée (apeiron) comme l'énonçait Anaximandre voilà très longtemps. Tout comme Nietzsche ou Heidegger, nous sommes marqués par le gouffre qui s'ouvre à notre conscience lorsque nous contemplons notre prétention à connaître : elle sera toujours à notre hauteur, celle de notre ego...

Malgré ses efforts de systématisation, les philosophies n'ont pas toujours exprimé la volonté de déterminer la réalité, de la rendre intelligible (en dévoilant son intelligence) et claire : à la rendre rassurante pour notre esprit. Peu s'en dit du gouffre de ténèbres angoissantes enveloppant cette lumière. Le contempler, c'est risquer d'y tomber, de s'y perdre. Mais peut-on qualifier de pessimiste celui qui en ressort et le vit?

Il n'y a aucune réelle sagesse sans lucidité. Et si cette lucidité tue tout espoir, elle n'empêche en rien la vie d'éclore dans toute sa joie grave. Le doute nous délivre de nos certitudes ; s'ouvrir à l'indéterminable nous délivre de la détermination... pour nous y replonger. L'humain peut saisir l'indéterminé non par l'imagination, mais parce qu'il est l'être qui le porte en lui et l'accomplit.

Nageons comme les poissons que nous sommes, continuons infiniment d'apprendre à respirer un air trop pur pour nos organes. Ainsi, nous nous dépasserons. Nous évoluerons.

Quelle belle absurdité sommes-nous!