vendredi 9 mars 2012

Essai d'éthique - Partie III : Le nihilisme de la vie

Si la vie, comme toute ce qui est, participe d'un mouvement de dissociation, la dissociation n'a pas besoin d'être valorisée puisqu'elle s'impose elle-même comme valeur de facto. Une part de lucidité impliquerait alors de reconnaître cette valeur essentielle (qui est liée à l'essence de l'être). Tous les principes de la réalité sont des valeurs qui s'imposent bien naturellement... Mais ce n'est pas une raison de ne pas être critique face à ce mouvement bien naturel.

Puisque la vie est une dissociation, il est donc naturel pour tout vivant de valoriser ce par quoi il se définit : la vie. La valeur fondamentale et universelle de tout vivant est la vie. Il la chérit, la protège, la manifeste et la propage. Aussi, il regarde avec suspicion tout ce qui manifeste ou valorise une indifférence à la vie et (à juste raison) voit en horreur tout ce qui voue une haine de la vie (un niveau de dissociation de plus).

Pourtant, la réalité en elle-même est indifférente à la vie.

Par leur valorisation d'eux-mêmes, les vivants se placent au-dessus du reste des étants (êtres). Ces autres, qui ne participent pas de la vie, n'ont en soi aucune valeur : il revient aux vivants de les utiliser pour l'expression d'eux-mêmes (prenant ainsi une valeur marchande, utile). La vie s'impose comme maîtresse de la réalité et les humains ne sont que le comble de cette valorisation égocentrique et nihiliste.

Se valorisant elle-même, la vie nie la valeur du non-vivant. Nous nous imposons comme « maîtres et possesseurs de la nature » au nom de notre volonté de vivre. Nietzsche a bien raison de nommer celle-ci « volonté de puissance » ou « volonté de domination ». On ne saurait mieux dire. Cependant, elle impose sa valeur par dissociation, par discrimination.

Nous répondrons donc à Nietzsche et à tous les vitalistes, ceux qui partent de la vie, en tout et pour tout, et retournent à la vie. Notre but est de dépasser la valeur de la vie, sans la nier. Notre éthique doit dépasser cette réduction naturaliste (ou vitaliste) du simple vivant, auquel cas elle n'est plus morale. Notre idéal, en tant qu'être conscient et lucide, ne peut ignorer les implications sur l'être que le vivant impose inconsciemment. Si la vie s'impose comme valeur de facto, reconnaître la place de la vie dans la réalité nous place dans l'indifférence ou le détachement du fait pour considérer le principe qui la suppose, cette volonté (pulsion) de dissociation, et voir s'il y a possibilité d'un principe qui lui est supérieur. L'éthique ne vise pas la justification d'un état de fait, mais le dépassement de cet état par sa critique et la recherche d'un idéal. Si la pensée peut le réaliser, c'est qu'elle a un fondement réel peut-être plus profond que l'apparence factuelle.

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