Les modes de surveillance développées au sein des sociétés nous définissent ; du moins ils définissent les jugements que nous portons pour nous définir. Surveillance et contrôle, tels sont les rôles des lois et de l’éducation. Le grand défi propre aux sociétés libres est d’élaborer non pas de tels modes « invisibles » ou « transparents », « secrets », mais au contraire entièrement publiques : pour le bien de tous et selon le consentement de tous.
Ne rêvons pas. Un gouvernement entièrement consensuel est impossible lorsque les humains se subissent entre eux, compétitionnent pour un salut réservé qu’à une minorité d’élus. Encore faut-il qu’ils soient réellement élus.
« Ce sont des Élus! »
Telle devrait être notre voix civique. L’idéal des démocraties libérales modernes est de crier haut et fort : « Nous sommes tous des Élus! » Que faire de ceux qui ne veulent pas être des Élus? Ceux qui se refusent à porter la charge morale de la société? Jésus a dit devant ses juges : « Je suis l’Élu » ; Socrate a dit devant ses juges : « Je suis un Élu, et tous peuvent l’être. » Cette « prétention » n’agresse que ceux fermés à cette dignité : ceux qui cherchent le pouvoir associé à la charge morale de la société tout en n’assumant pas cette réelle responsabilité. Ils créent les règles d’un jeu dont ils veulent être Maîtres ; et sous leur main, ils voient l’ensemble de l’Humanité.
Il y a une perversion fondamentale dans la quête de pouvoir et de contrôle des réalités extérieures, que ce soit l’environnement ou les autres : elle consume. Elle a besoin de s’arrêter, sinon elle brûlera l’Univers. Pouvoir et contrôle sont des illusions passagères. La réalité et la vérité se trouve dans l’accommodation. C’est une vérité tant naturelle que sociale.